Par THOMAS HARDY
Solitaire au fond de la mer,
Englouti loin de toute vanité humaine
Et de l'orgueil qui l'avait dessiné, il repose sans vie.
Des chambres d'acier, hier hauts fourneaux
De ses feux infernaux,
Etirent des courants glacés, et roulent aux rythmes des orgues de la marée.
Sur les miroirs destinés
A réfléchir les nantis,
Rampe le ver des océans - grotesque, gluant, idiot, indifférent.
Des bijoux conçus dans la joie
Pour séduire les sens des jouisseurs
Gisent assombris, tous leurs feux ternis et noircis et morts.
De pâles poissons de leurs globes lunaires tout près
Observent l'appareillage doré
Et interrogent : "Que fait ici cette suprême vanité?".
Et bien : pendant que se fabriquait
Cette créature aux ailes tranchantes
La volonté immanente qui tout anime et accélère,
Préparait un sinistre mariage
Lui destinant - lui si noblement gai -
Une forme de glace, alors encore étrangère éloignée.
Et comme grandissait l'élégant navie
Et ses formes, sa grâce et sa renommée
Dans un sombre lointain glacée grandissait l'iceberg aussi.
Etrangers semblaient-ils être :
L'oeil d'aucun mortel ne pouvait entrevoir
L'intime union de leur future destinée,
Ni le moindre signe qu'ils étaient conduits
Vers des chemins croisants,
Pour être bientôt les parties jumelles d'un auguste évènement,
Alors la fileuse des ans
Dit "Maintenant!". Et chacun entendit,
Et tout fût consommé, et grincèrenet les deux hémisphères.