Titanic : La légende continue
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Titanic : La légende continue

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 témoignage de Louis Garrett

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Jack Thayer
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Jack Thayer


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MessageSujet: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeSam 15 Nov 2008 - 19:37

“Je suis un rescapé du Titanic”



IL Y A quelques mois de cela, j’ai rendu visite à mes parents âgés et à mon oncle à Jacksonville, en Floride. C’était peu de temps avant la mort de ce dernier. Mon oncle engagea la conversation: “Comme vous le savez, je suis un rescapé du Titanic.”

Par la suite, j’ai prié mon oncle, Louis Garrett, de me raconter le drame qu’il avait vécu sur le Titanic.

Il commença par ces mots: “Remontons dans mes souvenirs. En 1900, je vois le jour au Liban, à Hakoor, un petit village dans la montagne à environ 130 kilomètres au nord de Beyrouth. Ma famille est alors propriétaire d’un moulin à eau et mon père est le meunier du village. Puis un jour on décide d’émigrer aux États-Unis. En 1904, ma mère et deux de mes sœurs quittent le Liban. Deux ans plus tard, mon frère aîné se rend lui aussi aux États-Unis et en 1912, mon père, mon autre sœur et moi partons pour la même destination afin de rejoindre le reste de la famille.

“En mars 1912, après avoir gagné le port de Marseille, nous réservons depuis cette ville notre passage sur le Titanic. C’est sa première traversée. Le départ pour New York est prévu le 10 avril. Nous laissons notre père à Marseille. Il a une infection dans les yeux et ne peut recevoir le visa de santé obligatoire.” Un sourire se lit sur le visage de mon oncle qui ajouta: “C’est bien heureux pour lui.”

“Ma sœur a 14 ans et j’en ai 12 lorsque nous montons à bord du Titanic. Nous sommes tristes de quitter notre père, mais surexcités à l’idée de nous trouver sur le Titanic, à l’époque le paquebot le plus grand, le plus rapide et le plus luxueux, et qui, du reste, est réputé insubmersible. Plus de 2 200 personnes sont à bord, au nombre desquelles figurent des gens parmi les plus riches et les plus influents du moment. Beaucoup sont sur le Titanic pour fêter son voyage inaugural. Dans la haute société, il faut faire cette traversée si on veut être ‘à la page’. La vitesse du navire répond aux espérances et l’arrivée à New York est prévue le mercredi 17 avril. La mer est calme, le temps plutôt froid pour la saison.

“Dimanche 14 avril, cinquième jour de la traversée, il fait exceptionnellement froid et le pont promenade est à peu près désert. Le bruit court qu’on a signalé des icebergs. Comme on ne s’attend pas à en voir sur notre route, le Titanic maintient sa vitesse. Cependant le capitaine du Californian, un autre bâtiment qui navigue dans l’Atlantique Nord, envoie un message radio révélant la présence d’icebergs sur notre parcours. On n’en tient aucun compte. Cette confiance exagérée dont fait preuve le capitaine Smith va coûter très cher: la vie de près de 700 membres d’équipage et celle de plus de 800 passagers.

“Ce même jour, vers 23 h 45, nous sommes réveillés par un choc. Ma sœur, qui occupe la couchette supérieure, s’écrie: ‘Quelque chose ne va pas.’

“‘Rendors-toi, lui dis-je, tu t’inquiètes trop.’ Mais peu après, un homme âgé dont nous avons fait la connaissance sur le bateau, et qui depuis se montre paternel envers nous, vient à notre cabine et nous dit calmement: ‘Sortez et allez sur le pont supérieur. Ne vous occupez pas de vos affaires maintenant. Vous les prendrez plus tard.’

“Nous faisons la traversée en troisième classe, mais nous avons le droit de nous rendre sur le pont de deuxième classe. Cependant, les passagers des deuxième et troisième classes ne peuvent franchir une barrière donnant accès au pont supérieur de première classe. On nous conseille cependant de gagner ce pont où nous aurons plus de chance de grimper dans un canot de sauvetage. Le seul moyen d’y parvenir consiste à escalader une échelle métallique qui part de l’entrepont, traverse cinq ou six ponts et atteint les canots de sauvetage. C’est ce que nous faisons, mais avec beaucoup de difficultés, surtout pour ma sœur. Cependant, avec de l’aide, nous y arrivons.

“Quel tableau! On a mis à la mer la plupart des canots de sauvetage. Seuls les femmes et les enfants sont autorisés à prendre les canots qui restent. Il n’y en a pas assez pour tout le monde. Des femmes pleurent et ne veulent pas être séparées de leur mari; des maris supplient leur femme et leurs enfants de se hâter de quitter le navire. Au milieu de ce désordre indescriptible, de cette hystérie collective, les deux enfants émigrants que nous sommes, les yeux pleins de larmes, ne parlant pas l’anglais et morts de peur, cherchent de l’aide.

“On remplit alors le dernier canot. Un homme d’âge moyen se trouve là avec sa très jeune femme qui est enceinte. Il l’aide à descendre dans le canot puis en se retournant, il voit d’autres personnes qui attendent d’embarquer. Il embrasse sa femme, remonte sur le pont et saisit la première personne qui se présente à sa portée. Par bonheur, c’est moi. Je me trouve au bon endroit, au bon moment. Il me met alors dans le canot. Je crie après ma sœur qui est glacée d’effroi. On la pousse elle aussi dans le canot de sauvetage. Mais qui était cet homme chevaleresque? Nous avons appris qu’il s’appelait John Jacob Astor IV. Il avait 48 ans et sa femme, Madeleine, 19. Ils se rendaient aux États-Unis, car ils voulaient que leur enfant voie le jour dans ce pays. Nombre de journaux ont raconté comment cet homme donna sa vie pour un jeune émigrant. Les archives de la famille Astor relatent que, au dire de Madame Astor, John Jacob se querella avec un membre de l’équipage qui voulait l’empêcher d’aider sa femme à entrer dans le canot. C’est pourtant ce qu’il fit et comme je l’ai dit, après avoir embrassé sa femme, il revint sur le pont et aida d’autres personnes à prendre place dans le canot de sauvetage.

“Je suis heureux de me trouver dans le canot, mais j’éprouve en même temps une profonde tristesse pour ceux qui restent sur le Titanic. Je vois ce splendide paquebot avec une perspective différente et certaines lumières étant encore allumées, je peux apprécier ses dimensions et sa beauté. Dans le calme de la nuit et à cause du son qui se propage sur l’eau, nous entendons l’orchestre jouer sur le pont et les gens chanter ‘Plus près de toi, mon Dieu’. L’équipage du canot rame aussi vite que possible pour s’éloigner du navire en perdition, car on craint qu’en s’abîmant dans l’océan, il ne provoque un effet de succion. Cela ne se produit pas et il n’y a pas non plus d’explosion comme certains l’avaient envisagé. L’eau est exceptionnellement calme cette nuit et c’est heureux, car les canots de sauvetage sont surchargés.

“D’après les témoignages, le Titanic sombra à 2 h 20 du matin, le 15 avril 1912. Je le vis glisser dans les flots. Le souvenir de cet horrible moment me hante encore aujourd’hui. Les gémissements et les appels au secours frénétiques des malheureux naufragés qui étaient précipités dans l’eau glacée me donnèrent le frisson. La plupart sont morts de froid. Les cris durèrent environ trois quarts d’heure puis cessèrent peu à peu.”

Mon oncle se tut pendant un moment, l’air songeur. Il reprit: “On avait envoyé un SOS vers minuit. Il fut reçu par le Carpathia, un vapeur de la Cunard White Star Line qui faisait route vers Gibraltar. Ce navire fit demi-tour et se rendit à pleine vitesse sur le lieu de la catastrophe, distant de 93 kilomètres. Il y arriva à 4 h 30 du matin. Chose curieuse, un autre vapeur, le Californian, ne se trouvait qu’à 32 kilomètres du Titanic, mais il ne capta pas le SOS, l’opérateur radio n’étant pas de service. Des témoignages révélèrent que du Californian, on avait bien vu des lueurs dans la nuit, mais on avait pensé qu’il s’agissait d’un feu d’artifice tiré sur le Titanic à l’occasion de sa première traversée.

“Le Carpathia termine les opérations de sauvetage vers 8 h 30 du matin. Notre canot est parmi les derniers à être secourus. On nous fait monter à bord et on nous couvre chaudement. On nous donne du thé bouillant et l’on nous installe confortablement. Je me sens tout heureux d’être en vie, bien que mon manteau et mes souliers soient beaucoup trop grands.

“Un peu plus tard, le capitaine du Carpathia appelle tous les rescapés sur le pont et leur montre l’iceberg. Je garde le souvenir d’une masse haute comme une maison d’un étage, mais beaucoup plus large, avec une énorme cheminée. Le bateau nous conduit à New York avant de reprendre la route de Gibraltar. L’administration de la Cunard White Star Line fait preuve d’une grande bonté à notre égard. Nous arrivons à New York le jeudi 18 avril, à 20 h 30, et nous accostons dans un bassin de la Cunard White Star Line.

“Quand je repense aux heures interminables passées dans le canot de sauvetage, il me semble miraculeux que nous ayons pu atteindre le Carpathia. Le froid glacial était intenable et nous nous serrions les uns contre les autres pour avoir plus chaud. Les naufragés se montraient bienveillants les uns envers les autres. Je me rappelle combien le vent était violent sur le pont du Carpathia. Il soufflait très fort. Mais heureusement, il ne s’était pas levé pendant les opérations de sauvetage. Celles-ci auraient sûrement été beaucoup plus difficiles avec une forte houle.” Je demande alors à mon oncle: “Y a-t-il eu des morts dans les canots de sauvetage?”

“Je sais seulement qu’une personne est morte de froid dans notre canot. Le corps a été enveloppé dans un drap puis glissé par-dessus bord.”

“Y avait-il des hommes dans le canot?”

“Seulement des femmes et des enfants, selon les ordres, exception faite de quelques membres de l’équipage qui servaient de rameurs. Un jeune couple avec un bébé a réussi à enfreindre la consigne. La femme usa de ruse, elle habilla son jeune mari en femme, lui couvrit la tête d’un foulard et lui donna le bébé. Elle était dans notre canot et lui dans un autre. Tous deux ont été sauvés par le Carpathia.

“À l’arrivée à New York, nous pensions qu’on allait nous amener à Ellis Island pour les formalités d’immigration. Mais on annula ces formalités à cause des souffrances endurées par les rescapés. La Croix-Rouge nous prit en charge et s’occupa de réunir les familles. Mon frère aîné, Isaac, était à New York et nous nous sommes retrouvés avec un mélange de joie et de tristesse. Mon père était toujours en France. Toutefois, nous avons conclu que s’il avait été avec nous sur le Titanic, il n’aurait pas survécu à cause de la règle ‘les femmes et les enfants d’abord’. Notre survie elle-même aurait peut-être été remise en question. Aurions-nous pu laisser papa à bord du Titanic tout en cherchant à nous sauver? Heureusement pour lui, il arriva sain et sauf, trois mois plus tard, sur un autre bateau.”
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MessageSujet: Re: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeDim 16 Nov 2008 - 19:47

Il est très touchant ce récit.
Les survivants ont été marqués à vie par cette tragédie et sans doute les enfants encore plus. C'est incroyable la façon dont Louis Garrett raconte son histoire...
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MessageSujet: Re: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeDim 16 Nov 2008 - 20:52

que trouves tu incroyable, plus précisément ?
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MessageSujet: Re: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeLun 17 Nov 2008 - 13:27

Il y a beaucoup d'émotion dans tout son récit mais je trouve incroyable la façon générale dont il raconte cela avec tant de précision. Par exemple lorsqu'il se décrit lui et sa soeur morts de peur, les yeux plein de larmes... je m'imagine la scène, ça devait être horrible.
Ou bien, lorsqu'il parle de John Jacob Astor qui l'a sauvé lui et sa soeur. Je ne savais pas ça.
Ce qui m'émeut également, c'est son récit lorsqu'il se trouve à bord d'un canot de sauvetage en disant qu'il éprouve une profonde tristesse en voyant cela. Vivre une telle catastrophe à 12 ans, c'est terrible.
Après ça me fait chaud au coeur de lire le moment où il retrouve son frère et plus tard son père. C'est vraiment un récit émouvant je trouve.
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MessageSujet: Re: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeLun 17 Nov 2008 - 13:38

Merci pour ta réponse. Moi, ce que je trouve poignant, c'est lorsqu'il se souvient des hurlements des gens précipités dans l'eau glacée qui s'éteignirent peu à peu, trois quarts d'heure plus tard environ... Je n'ai pas mis la suite du récit, mais un jour il est revenu en avion vers son pays d'origine, et, en survolant le lieu du naufrage, une hôtesse a vu des larmes couler sur son visage. Elle lui a demandé :

Qu’est-ce qui ne va pas? Puis-je vous aider?’ Je répondis: ‘Non! Je repensais à ce que j’ai vécu quand j’étais un gamin de 12 ans. Je me trouvais sur un grand navire, le Titanic, qui fit naufrage ici. Plus de 1 500 personnes ont péri. Je ne peux pas oublier cette horrible nuit et les appels au secours qui montaient des eaux glaciales dans l’obscurité.’ ‘C’est terrible, en effet, dit la jolie hôtesse aux cheveux sombres, je me rappelle avoir lu le récit de cette catastrophe.’

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MessageSujet: Re: témoignage de Louis Garrett   témoignage de Louis Garrett Icon_minitimeLun 17 Nov 2008 - 14:03

J'en ai des frissons rien que de lire ça... Je me mets à sa place, revoir cet endroit, se souvenir de tous ces cris et hurlements... C'est terrible...
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