L'Est Républicain ( 24 Janvier 2012 ) = UN HAUT-SAÔNOIS NAUFRAGÉ DU TITANICLe drame du Costa Concordia renvoie dans l’imaginaire collectif à celui du Titanic. Parmi les victimes, en 1912, du funeste transatlantique britannique, un Haut-Saônois, chauffeur d’un milliardaire américain.
Le cénotaphe, discret, gît dans un recoin du cimetière de la commune de Volon, en Haute-Saône. Gravé sur la pierre, une épitaphe surprenante : « En mémoire de
René Pernot, naufragé du Titanic. Priez pour lui. »
L’obstination et le travail méticuleux d’un historien local, René Lejay, a exhumé de l’oubli cet homme, dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Comment ce Haut-Saônois, natif de Brotte-lès-Ray, s’est-il retrouvé sur le plus luxueux et le plus grand paquebot jamais construit ? Lui, le fils de charron-forgeron. « Il était le chauffeur du milliardaire américain Guggenheim », livre le Haut-Saônois, René Lejay.
Le mercredi 10 avril 1912, Benjamin Guggenheim, richissime magnat de l’industrie minière, embarque à Cherbourg sur le Titanic dans le but de rallier New York. L’accompagnent dans cette aventure sa maîtresse, Léontine Pauline Aubart (avec sa femme de chambre, Emma Sägesser), son valet, Victor Giglio, et son chauffeur, René Pernot. Tous logent en première classe, sauf le Haut-Saônois, nanti d’une cabine en deuxième. Sur les cinq passagers, trois périrent dans le naufrage du transatlantique britannique, dans la nuit du 14 au 15 août 1912. Les deux femmes survécurent au drame.
Léontine Pauline Aubart, chanteuse de cabaret parisienne, s’est confiée par la suite à sa filleule, Annie Panier-Elie.
« Ma marraine disait qu’elle ne s’endormait jamais sans entendre les cris des naufragés », se remémore Annie, contactée par téléphone. La filleule poursuit : « Elle ne voulait pas quitter Guggenheim et un steward a fini par la pousser dans un canot de sauvetage ». L’histoire raconte que Guggenheim se serait comporté en gentleman, aidant femmes et enfants à grimper dans les canots, avant d’aller revêtir dans sa cabine ses plus beaux habits. Prêt, avec son valet, à faire face à la mort, installés sur le pont, un verre d’alcool à la main. Légende ou vérité… L’anecdote a inspiré le cinéaste James Cameron, qui l’a exploitée dans son long-métrage « Titanic ».
« HOMME DE CONFIANCE »Et le chauffeur ? Aucune information n’autorise à retracer les derniers instants de sa vie sur le paquebot. Il laisse derrière lui une épouse et deux fils, installés dans un logis à Auteuil.
Quelles circonstances avaient conduit le Haut-Saônois à entrer au service d’un milliardaire américain ? « Cette partie de l’histoire reste obscure », reconnaît René Lejay. Qui, au cours de ses recherches, a consulté l’acte de naissance de René Pernot et retrouvé sa maison natale à Brotte-lès-Ray. Demeure occupée aujourd’hui par le maire du village.
L’existence de René Pernot (fils de François Pernot, charron, et de Célestine Royer) débute le 9 septembre 1872, à Brotte-lès-Ray. Denise Colas, la maire de Volon (commune située à deux encablures de Brotte), conserve trace dans les archives municipales de l’acte de « naissance d’un des fils de René Pernot datant de 1895 ». Le texte donne des éléments sur le Haut-saônois, parlant d’un jeune homme « de 22 ans, constructeur-charron, domicilié à Volon », marié à Marie Émilie Mantrand. Le second fils du couple a, quant à lui, poussé son premier souffle à Paris en 1897. À quel moment la famille a-t-elle migré dans la capitale ? Mystère.
Une chose semble acquise cependant. René Lejay insiste sur ce point : « René Pernot était plus qu’un simple chauffeur pour Guggenheim : son homme à tout faire et homme de confiance ». Il accompagnait de façon régulière le milliardaire dans ses voyages. Le Titanic fut le voyage de trop.
Isabelle GÉRARD
Lien consulté le 02 février 2012 =http://www.estrepublicain.fr/actualite/2012/01/24/naufrage-du-titanic